Certains historiens soutiennent que ce sont les musulmans de Sicile qui ont introduit les pâtes en Europe au Moyen Âge. D’après eux, des preuves suggèrent que les pâtes proviendraient du Moyen-Orient.
Tout aurait commencé lorsque le conquérant arabe de la Sicile, Asad ibn al-Fourât, a débarqué avec sa flotte sur la côte sud de l’île en 827. L’un de ses premiers ordres fut de rassembler de la nourriture pour ses troupes. En inspectant rapidement les ressources locales, les cuisiniers d’Asad ont pêché des sardines dans le port, récolté du fenouil sauvage et des raisins secs dans les collines environnantes, et combiné le tout avec un ingrédient alors inconnu en Europe que les envahisseurs arabes avaient apporté dans les cales de leurs navires : les pâtes.

L’anthropologue sicilien Franco La Cecla, auteur de Pasta et Pizza, confirme cette thèse :
« Les Arabes ont développé la plupart des techniques d’irrigation et d’agriculture en Sicile lors des grandes vagues de conquête du IXe siècle. Il est bien connu ici qu’ils ont aussi apporté avec eux les méthodes de fabrication des pâtes. »
AL-IDRISI ET LES PÂTES SICILIENNES
La première mention écrite des pâtes et de leur fabrication sur le sol italien vient du célèbre géographe arabe médiéval Mohammed al-Idrisi. Décrivant les villes côtières du nord de la Sicile dans son Kitab Nuzhat al-Mushtâq fi Ikhtiraq al-‘Afâq (« Le Livre des voyages convoités vers des contrées lointaines »), rédigé en 1154 pour son protecteur normand, le roi Roger II de Sicile, al-Idrisi mentionne « un charmant village appelé Trabia », situé à environ 30 kilomètres à l’est de Palerme où « des ruisseaux perpétuels actionnent plusieurs moulins. Ici se trouvent de vastes domaines ruraux où l’on produit d’énormes quantités d’itriyya [1]« Itriot » en hébreu, « itriyya » en arabe et « tria » dans le sud de l’Italie, tous signifiant la même chose : des pâtes. qui sont exportées partout ».

La description d’al-Idrisi révèle une industrie florissante et un réseau commercial étendu qui, au XIVe siècle, s’étendait au nord jusqu’à Gênes et au-delà. Le plus ancien document en italien mentionnant clairement les pâtes est le testament d’un soldat génois, Ponzio Bastone, rédigé en 1279, où il déclare posséder une barixella una plena maccaronis (« un coffre rempli de macaronis »). Il s’agissait certainement de pâtes sèches, car seules ces dernières pouvaient être conservées dans un coffre en bois. L’auteur andalou du XIIIe siècle, Ibn Râzin al-Toujibi, dans son ouvrage Fadalat al-Khiwan fi Tayyibat al-Ta‘am wa’l-Alwan (« Les délices de la table et les meilleurs types de plats »), décrit divers types de pâtes utilisées dans l’ouest du monde islamique.
D’autres historiens soutiennent que les pâtes existaient déjà sur l’île avant l’arrivée des Arabes. Il n’est donc pas clair si, en décrivant l’industrie florissante des pâtes en Sicile, al-Idrisi faisait référence à une tradition préexistante ou à celle introduite par les navires de guerre d’Asad ibn al-Furat.
LES PÂTES DANS LES LIVRES DE CUISINE ARABE
Les premiers livres de cuisine du monde arabe sont apparus à Bagdad sous les Abbassides, dès le Xe siècle, voire plus tôt. Selon l’historienne de l’alimentation Lilia Zaouali, auteure de La cuisine médiévale du monde islamique, « il existe plus de livres de cuisine en arabe datant d’avant 1400 que dans toutes les autres langues du monde réunies ». Le plus ancien livre de cuisine arabe connu – et le premier à mentionner les pâtes – a été compilé au Xe siècle par Ibn Sayyâr al-Warrâq, un scribe de la cour abbasside.

En ce qui concerne les pâtes, elles sont mentionnées dans plusieurs ouvrages arabes. Dès le IXe siècle, le médecin et lexicographe syrien Ichou bar Ali évoque l’itriyya comme des fils de semoule séchés qui sont bouillis. L’un des plus grands spécialistes de la médecine du Moyen Âge, Ishâq ibn Soulaymân d’Égypte, décrit la préparation des pâtes dans son Kitâb al-Aghdhiya wa’l-Adwiya (« Le Livre des aliments et des remèdes », connu en Occident sous le nom de « Livre de la diététique »), rédigé au Xe siècle. Plus à l’est, le lexicographe al-Jawhari, à la fin du Xe siècle, définit l’itriyya comme une nourriture similaire à l’hibriya, ou des « cheveux » faits à partir de blé.
Au XVe siècle, des recettes détaillées de pâtes et de leur préparation apparaissent dans Il Libro de Arte Coquinaria (« Le Livre de l’art culinaire ») de Maestro Martino de Côme, surnommé « le prince des cuisiniers » par le bibliothécaire du Vatican et humaniste de la Renaissance Bartolomeo Sacchi. Pourtant, même dans cet ouvrage, souvent considéré comme le premier livre de cuisine moderne italien, l’auteur reconnaît indirectement les origines arabes des pâtes en désignant des feuilles de pâtes coupées en lanières sous le nom de triti (c’est-à-dire tria). Le livre propose aussi une recette de « macaronis siciliens » préparés avec de la farine, des blancs d’œufs et de l’eau de rose, un ingrédient rare en Occident, mais courant dans la haute cuisine arabe et persane.
LES PÂTES SÈCHES DES NOMADES DU DÉSERT
De nombreuses preuves indiquent que les peuples du monde arabe ont joué un rôle essentiel dans la diffusion des pâtes et des techniques de fabrication en Occident. Le blé dur, ingrédient principal des pâtes, était une culture répandue dans tout le monde arabe, de la Mésopotamie à la Syrie, en passant par l’Égypte, l’Afrique du Nord et la Sicile musulmane. Les livres de cuisine arabes sont les premiers à mentionner la formation de pâte de semoule en formes séchées et conservables. De plus, ce sont des érudits à Jérusalem qui fournissent la première référence connue à la cuisson de ces formes dans l’eau.

Comment se fait-il que les pâtes, aujourd’hui si profondément associées à l’Italie, puissent avoir des origines si lointaines du sol italien ? Certains historiens de l’alimentation suggèrent que les premières pâtes étaient une innovation des Arabes nomades du désert, qui les utilisaient comme une source de nourriture facile à transporter. D’autres remettent en question cette hypothèse, arguant qu’un approvisionnement régulier en blé dur et les outils nécessaires pour le moudre dépassaient les capacités des nomades.
L’écrivain gastronomique Clifford Wright propose cependant un compromis : la pasta secca (les pâtes sèches) auraient pu se répandre vers l’ouest avec les armées arabes médiévales traversant l’Afrique du Nord. Elles constituaient en effet une nourriture pratique et nourrissante, facile à transporter, que ce soit à dos de chameau ou, plus probablement encore, dans les cales des navires — dont certains ont jeté l’ancre sur les côtes siciliennes il y a environ douze siècles.[2]Source: Tom Verde, « Pasta’s Winding Way West » https://archive.aramcoworld.com/issue/201301/pasta.s.winding.way.west.htm
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Références
↑1 | « Itriot » en hébreu, « itriyya » en arabe et « tria » dans le sud de l’Italie, tous signifiant la même chose : des pâtes. |
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↑2 | Source: Tom Verde, « Pasta’s Winding Way West » https://archive.aramcoworld.com/issue/201301/pasta.s.winding.way.west.htm |