La propagande médiatique américaine contre le mouvement des droits civiques au siècle passé était très semblable à celle des médias français actuels : ils recourent en effet aux mêmes ruses pour criminaliser toute contestation du racisme institutionnalisé. Chaque fois qu’une personne racisée se soucie des membres de sa communauté et cherche à les responsabiliser, les médias mettent tout en œuvre pour mettre en avant ses défauts et délégitimer son message.
Malcolm X savait que les médias contrôlaient les esprits des masses, au point qu’ils avaient le pouvoir de faire passer les opprimés pour des oppresseurs et vice versa. C’est pourquoi il était important que les discours des médias et des politiques soient examinés, et leurs mythes déboulonnés.
En France, après la mort d’Adama Traoré, les médias se sont tellement concentrés sur son passé judiciaire qu’il ne passait plus pour la victime, mais pour le coupable. C’était aussi une pratique très courante à l’époque ségrégationniste, une pratique que Malcolm X dénonçait avec beaucoup de ferveur :
En manipulant la presse de manière très adroite, ils ont été capables de faire passer la victime pour un criminel et le criminel pour une victime. En ce moment à New York, nous avons eu plusieurs cas où la police a attrapé un frère et l’a battu sans aucune pitié. Puis, ils l’ont accusé de les avoir agressés. Ils ont utilisé la presse pour donner l’impression qu’il était le criminel et qu’eux en étaient la victime. C’est le même jeu qui se répète à chaque fois. Et si vous et moi, nous ne nous réveillons pas et ne voyons pas ce que cet homme est en train de nous faire, il sera trop tard. [1]Malcolm X, « Speech at Ford Auditorium », 1965.
Lorsqu’en France, les musulmans s’organisent indépendamment de l’État, dans l’intérêt de leur communauté, ils sont accusés de «communautarisme» et de «séparatisme». Malcolm X, en mobilisant sa communauté afin d’établir une organisation indépendante, était accusé de «.ségrégation inversée » :
Certains (Blancs) veulent nous faire croire que la seule façon de mener à bien un projet est d’impliquer l’homme blanc. Mais il s’agit d’un piège. Il (l’homme blanc) veut nous piéger, car il sait qu’il est impossible pour nous d’avancer sans nous réunir. Mais sur quelle base allons-nous nous réunir ? Nous devons nous réunir sur la même base qu’ils se sont réunis. Les Italiens se sont réunis parce qu’ils étaient italiens, les juifs se sont réunis sur la base de leur identité juive, les Irlandais se sont réunis sur la base de leur identité irlandaise. Maintenant sur quelle base allons- nous nous réunir? Nous devons avoir une sorte de base. Mais dès que nous mentionnons la seule base sur laquelle nous pouvons nous réunir, les Blancs nous trompent en disant à nos dirigeants : « attention, tout ce qui est entièrement noir, est considéré comme de la ségrégation inversée ». N’est-ce pas ce qu’ils disent ? C’est pourquoi les noirs ne veulent plus se réunir parce qu’ils ne veulent pas être accusés de ségrégation. Voyez-vous, mes frères et sœurs, à quel point cet homme est fourbe et rusé. C’est un maître dans la tromperie. Et si vous ne réalisez pas à quel point il est rusé, il réussira à nouveau à vous réduire en esclavage. Je ne devrais pas dire « réduire à nouveau en esclavage », car nous n’avons jamais été affranchis.[2]Malcolm X, « Afro-American History », 24/01/1964.
Depuis plusieurs années, les médias français déclarent la guerre à tout musulman qui dénonce l’islamophobie d’État ou les violences policières. Ces derniers sont alors taxés de «radicalisation», ou «racisme anti-blanc»[3]En aout 2020, le président LR de la région PACA, Renaud Muselier, évoquait même un « racisme antifrançais insupportable ».. De manière très similaire, Malcolm X était accusé «d’incitation à la violence» et de «racisme inversé» lorsqu’il critiquait le racisme structurel, ou lorsqu’il appelait les siens à se défendre contre les attaques du Ku Klux Klan :
Je dis qu’il est temps pour les Noirs de mettre en place un plan d’action et d’unité afin qu’ils ne soient plus effrayés par les racistes. C’est tout. Et quand nous disons cela, la presse nous qualifie de «racistes inversés»… Nous subissons une ruse dans laquelle nous sommes amenés à être non- violents, et quand quelqu’un se lève et parle comme je viens de le faire, ils disent : « Regardez, il prône la violence ! » N’est-ce pas ce qu’ils disent ? Chaque fois que vous ouvrez votre journal, vous verrez un article dans lequel je suis accusé de prôner la violence. Je n’ai jamais incité à la violence! J’ai seulement dit que les Noirs doivent se défendre s’ils sont victimes de la violence structurelle perpétrée par le Klan, le Conseil des citoyens et d’autres instances. Et quand je dis que nous devons nous défendre contre la violence des autres, ils exploitent astucieusement leur presse pour faire croire au monde que j’appelle à la violence, point final. Je n’appellerais personne à être violent sans raison. La presse profite de ce type de propos pour nous accuser de racistes qui seraient «violents inversement ».[4]Malcolm X, « Speech at Ford Auditorium », 1965.
Malcolm X déjouait, un par un, les stratagèmes perfides des médias américains qui souhaitaient maintenir le statuquo de leur société ségrégationniste. Durant les dernières années avant sa mort, il avait clarifié que sa lutte contre l’oppression politique, l’exploitation économique et la dégradation sociale ne signifiait pas qu’il était anti-blanc. Il se trouvait juste qu’à son époque l’oppresseur était un homme blanc[5]Malcolm X, « The Bullet or The Ballot »; Cleveland (Ohio) le 3 avril 1964.…
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Références
↑1 | Malcolm X, « Speech at Ford Auditorium », 1965. |
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↑2 | Malcolm X, « Afro-American History », 24/01/1964. |
↑3 | En aout 2020, le président LR de la région PACA, Renaud Muselier, évoquait même un « racisme antifrançais insupportable ». |
↑4 | Malcolm X, « Speech at Ford Auditorium », 1965. |
↑5 | Malcolm X, « The Bullet or The Ballot »; Cleveland (Ohio) le 3 avril 1964. |