LA BATAILLE DES MOTS : LA VOLONTE INCONSCIENTE

Comme nous l’exposions dans un précédent article, toute forme de propagande fait usage de mots et d’images pour convaincre les plus indécis ou les faibles d’esprit. L’usage répété de certains termes et de certaines techniques de communication permet à long terme d’ancrer dans les esprits des mécanismes de pensées qui peuvent aboutir à l’adhésion à une politique ou des mesures répressives. 

C’est ainsi que la propagande modifie les images mentales que nous avons du monde. L’esprit humain est une machine, un système de nerfs et de centres nerveux réagissant aux stimuli avec une régularité mécanique, tel un automate sans défense, dépourvu de volonté propre. Un stimulus suffisamment répété finit par créer une habitude, une idée souvent réitérée se traduit en conviction.^[1]Edward Bernays – Propaganda.

Pour cette raison, nous ne devons jamais négliger l’influence de notre environnement politique et social sur nos réactions et même sur notre état psychologique. Les grands événements de l’histoire ont révélé les meilleurs hommes, comme les pires ! Les révolutions en sont l’exemple type. Un peuple dominé, spolié de ses droits peut se transformer en foule révolutionnaire jusqu’à en faire décapiter ses leaders !

De même, les guerres révèlent les « héros de la nation » prêts à se sacrifier pour leur pays alors qu’ils n’étaient que de simples ouvriers ou paysans. Dans les grands moments de l’histoire les généraux et leaders, se sont étonné de la vigueur et de la Résilience de simple individu.

En effet, à situation exceptionnelle, réactions exceptionnelles. L’environnement peut produire cet effet galvanisant sur l’individu, capable des plus grands exploits comme des pires réactions. Dans le monde de la propagande, les leaders le savent très bien, il leur suffit de créer l’environnement propice à la construction des réactions souhaitées. 

LES VOLONTÉS INCONSCIENTES

Nos réactions sont le fruit de mécanismes psychologiques complexes. Selon l’anthropologue Gustave Le Bon (1841-1931), nos réactions s’expliquent  en fonction de deux phénomènes : la volonté consciente et la volonté inconsciente :

Les phénomènes perçus par la conscience sont seulement des reflets d’une existence psychique intérieure que nous ne connaissons pas et où s’élaborent les plus importants mobiles de la conduite [...] La volonté consciente implique une libre délibération, la discussion de considérations objectives. Dans la volonté inconsciente, c’est l’inconscient qui délibère pour nous. La décision arrive alors toute formée dans le champ de la conscience, qui l’accepte généralement bien qu’elle puisse la rejeter. La volonté inconsciente a sa source dans les besoins, désirs, aspirations de la race, du groupe ou du milieu dont notre personnalité est enveloppée. Aspirations, besoins et désirs s’épanouissent sous forme de suggestions et d'impulsions qui orientent notre volonté inconsciente quand ils ne la dominent pas.[2]Gustave Le Bon - Enseignements psychologiques de la guerre européenne - 1915

La propagande médiatique, agit donc dans nos choix immédiats, sur nos représentations sociales et politiques, mais agit aussi sur notre inconscient. Cela explique peut-être en partie comment tout un peuple a pu vouer un véritable culte à son leader, quand bien même celui-ci les guiderait vers les plus horribles idées. Les historiens se sont interrogés sur ce qui a pu pousser le peuple allemand à accepter et vouer un tel culte à Hitler. Des foules entières l’acclamaient et l’adulaient malgré les idées dangereuses qu’il portait. Hitler avait bien compris les mécanismes de la propagande et l’art de construire la volonté du peuple :

L'art de tous les grands chefs populaires a toujours consisté à concentrer l’attention des masses sur un seul ennemi.» Car, précise-t-il, « les grandes masses sont aveugles et stupides. (…) La seule chose qui soit stable, c’est l’émotion et la haine.[3]https://www.geo.fr/voyage/propagande-nazie-un-peuple-sous-hypnose-161391

Il serait de bon sens, de penser que le peuple allemand n’avait initialement pas la volonté d’adhérer aux massacres qui seront commis, mais sous l’effet de l’hypnose nazie, le pire a pu se passer dans l’indifférence ambiante et même dans la dévotion du bourreau.

On peut constater que les leviers de la propagande n’ont pas bien changé de nos jours. G. Darmanin s’exprimait, il n’y a pas si longtemps, en ces termes : 

Nous sommes en guerre face à un ennemi qui est un ennemi extérieur et intérieur. Nous ne sommes pas en guerre contre une religion, mais contre une idéologie, l'idéologie islamiste.[4]https://www.vie-publique.fr/discours/277005-gerald-darmanin-30102020-terrorisme

Gustave Le bon précise aussi dans son idée le rôle du chef d’État dans la construction de la volonté inconsciente : 

Le rôle des meneurs-chefs d’État, fondateurs de croyances, grands capitaines, consiste à faire naître en l’âme des multitudes des volontés inconscientes.[5]Gustave Le Bon -Enseignements psychologiques de la guerre européenne - 1915

Gérald Darmanin n’est bien entendu pas l’initiateur de cette propagande islamophobe mensongère. Gilles Kepel, Bernard Rougier ou le Figaro, pour ne citer qu’eux, ont offert ces concepts à Darmanin qui  se charge volontiers de les diffuser contribuant ainsi à semer les graines de la haine dans l’inconscient du peuple français.

BOURREAUX ET VICTIMES

La terreur est parmi les procédés psychologiques fondamentaux dans le contrôle de la pensée et dans le conditionnement des réactions. À force de répéter que les musulmans sont un danger ou  une menace, les têtes de la propagande islamophobe font accepter petit à petit dans l’inconscient des Français qu’en cas « de force majeure » toute réaction pourrait être légitime pour délivrer le pays du danger…

Gustave le Bon résume ce mécanisme inconscient : 

La plupart des hommes n’agissent que sous l’emprise de volontés inconscientes, et comme ils les connaissent seulement au moment de l’action, on observe souvent chez eux une divergence complète entre leurs paroles et leurs actes.[6]Ibid.

La part de l’inconscient dans l'exécution d’un acte dit volontaire est donc considérable, bien que généralement inaperçue. La volonté inconsciente est souvent d’origine ancestrale, mais elle peut résulter aussi des sentiments et des passions du moment. Nos volontés inconscientes ont encore d’autres sources. Le groupe social auquel nous appartenons, la coutume, la mode suffisent à les créer. Grâce à ces influences, nous savons ce qu’il faut faire en maintes circonstances sans avoir la peine d’y réfléchir.[7]Ibid.

Il exprime ici l’idée que nos réactions finales peuvent être à l’opposé de nos volontés conscientes.  Victime de la pression psychologique, sous le joug de la propagande islamophobe, doit-on nous préparer à voir se répéter des réactions violentes et démesurées, résultat de la volonté inconsciente construite au fil du matraquage islamophobe, à l’encontre des musulmans français ? Bourreaux et victimes à la fois, ces mêmes voisins qui entretenaient des relations cordiales pourraient se retrouver en confrontation sans même le vouloir sincèrement.

POUR UNE SOCIÉTÉ APAISÉE

Monter les individus les uns contre les autres par des moyens pernicieux et visant la fracture sociale est dangereux pour toute société. Nous trouvons dans le Coran de nombreux versets appelant à la justice sociale et à la surveillance pour le maintien des bonnes relations entre les Hommes. Parmi ceux-ci le début du verset 110 de la Sourate Âl Imrân : « Vous êtes la meilleure communauté, qu’on ait fait surgir pour les hommes. Vous ordonnez le convenable, interdisez le blâmable et croyez à Allah… » Ce verset appel les croyants à « ordonner le convenable » et « interdire le blâmable » et ceci en vue de maintenir la société dans laquelle ils vivent dans un environnement sain, sécurisé et respectant les biens et les personnes. En effet, la préservation de l’homme, de sa raison, de ses biens et de son honneur sont au cœur  des objectifs suprêmes de la législation divine^[8]Maqâsid al-Chari’a.