Moi, né en France, y vivant depuis 36 ans, marié, quatre enfants, fiché S. Innocent coupable. Innocent de tout délit, mais coupable de ne pas être celui que l’on voudrait que je sois.
Moi, qui ai grandi dans une famille loin des préceptes religieux, jeune enfant de banlieue rentrant parfaitement dans le moule. Plus jeune, mes objectifs de vie étaient des plus communs : faire de l’argent, multiplier les conquêtes et m’acheter une maison, RAS quoi ! On n’en attendait ni plus ni moins de moi. La norme dans une société qui traite ses sujets comme des pions au sein d’un grand échiquier. Mais si le fou se rebelle, c’est la panique ! Année 2000 c’est le basculement, j’ouvre la porte qui changera ma vie, je franchis le pas : Ash hadou allâ ilâha illa Allah, c’est le moment où je reconnais la grandeur du Créateur et adopte l’islam comme religion.
Fiché S à mon insu, sans entretien préalable pour juger de la dangerosité réelle de ma personne, sans motif judiciaire ou pénal. Sur quels critères précis ai-je été classé parmi les indésirables ? Quels faits légalement répréhensibles m’ont valu cette étiquette ’S’ que l’on m’a collée à mon insu dans le dos sans que je ne puisse l’atteindre pour la retirer. Une étiquette qui, malheureusement, est bien plus facile à coller qu’à retirer. Vu qu’elle n’est pas reconnue, quels arguments juridiques pourrais-je apporter pour qu’on me la retire. Officiellement il n’y a rien, mais concrètement je la ressens chaque jour de mon existence, à chaque contrôle de police, de douane ou aux frontières.
Fiché S, classification qui n’a jamais vraiment été définie, qui veut tout et rien dire. Un grand fourre-tout qui m’a offert cette privation de liberté. Traité comme un hors-la-loi, mis de côté, catalogué, criminalisé.
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Sur les radios, les chaînes de télé, c’est comme « ennemi » qu’on me décrit, « ennemi de l’intérieur », « menace pour la sureté nationale » et on fait planer au-dessus de ma tête la menace d’une incarcération en camp de détention administratif ou de déradicalisation. Que me reproche-t-on ? Sans raison valable, du moins juridiquement, car dans la guerre effrénée de l’Etat contre le terrorisme, il faut bien trouver des coupables innocents, surtout quand on est dans l’incapacité de déterminer qui sont les véritables coupables et de les attraper. Mon crime : ma conversion à l’islam.
DORMIR LA PORTE OUVERTE POUR EVITER DE TRAUMATISER LES ENFANTS
2013, au retour d’un voyage humanitaire en Afrique, je me vois offert une place VIP dans les bureaux de la police aux frontières. Tout va bien, les fonctionnaires de l’Etat font leur travail, tout comme j’ai fait mon devoir de musulman en allant aider les populations en situation de crise humanitaire. Accueilli par deux hommes, l’un, plus courtois que l’autre, débute l’interrogatoire :
– Bonjour Mr, d’où revenez-vous ?
– Du Niger Mr.
– Que faisiez-vous là-bas ?
– Nous étions en mission humanitaire.
Bref jusqu’ici tout est plutôt « dans les clous » comme on dit. Puis, le ton change : « Mais dites-nous Mr, ce n’est pas un peu risqué pour quelqu’un comme vous, avec des signes évidents de radicalisation (visant par cela ma barbe) de voyager dans ce type de pays ? »
Ce à quoi je rétorque spontanément : « Pas vraiment Mr. Vous savez, je me suis senti moins menacé dans le désert Nigérien avec les populations locales qui accueillaient avec joie et émotion nos aides, que dans ce bureau aujourd’hui… »
Quelques années plus tard, dans les bureaux de la Police, je réponds à une convocation « pour une affaire me concernant. »
Mr et Mme les agents de l’État me reçoivent plutôt cordialement, pas d’agressivité dans leurs attitudes ni dans leurs paroles. C’est dans la plus grande cordialité que nos échanges se déroulent :
– Savez-vous pourquoi vous êtes là Mr ?
– Je réponds à une convocation « pour une affaire me concernant », mais je pense que nous sommes là pour parler de ma conversion à l’islam et de mes activités humanitaires ?
– Tout à fait, c’est bien ça. De quelle tendance vous considérez-vous Mr ?
À ce moment mes idées fusent, qu’attendent-ils comme réponse ? Quelle case dois-je cocher ? Et ma langue fait le reste :
– Difficile de vous répondre, c’est une question très relative. Si je vous dis que je suis orthodoxe alors cela signifiera pour vous que je suis radicalisé, mais si je vous dis plutôt que je suis modéré dans ma pratique alors surement penserez-vous que j’essaye de cacher mon jeu. Honnêtement, je ne peux rien vous dire d’autre que je me considère comme un citoyen français, né en France, qui y vit, qui a choisi sa religion par conviction, et qui tente chaque jour de concilier entre son choix religieux et son choix de vie, entre ses obligations religieuses telles que l’accomplissement des cinq prières quotidiennes, son rôle de père de famille tout en construisant son avenir professionnel et social en France, bien conscient que ceci (en désignant ma barbe) peut malheureusement créer des barrières entre moi et les gens qui m’entourent, mais je fais avec…
Puis l’inspecteur poursuit : « Avez-vous un problème à fréquenter des non-musulmans, Mr ? »
À ce moment, je comprends que les agents pensent sincèrement que mon adhésion spirituelle à l’islam aurait éradiqué toute forme d’amour naturel d’un fils pour son père, son frère ou sa famille, c’est en tout cas ce que je dois comprendre lorsqu’on me demande si j’accepte de parler aux « mécréants » ou si j’ai un problème avec les non-musulmans… Passons les épisodes de convocation et interrogatoires.
Avec une fiche S, c’est tout l’arsenal répressif réservé au grand banditisme qui peut vous être réservé, bien qu’aucun délit, aucune enquête mandatée par un juge ne soient en cours d’instruction à votre égard.
Avez-vous déjà dormi la porte ouverte pour éviter que la perquisition matinale qui plane au-dessus de vous ne traumatise vos enfants ?
Les médias islamophobes et certains politiques s’insurgent de « la haine » des « ennemis de la République ». Ils ne se sont jamais posé la question de savoir pourquoi une partie de la communauté avait perdu foi en la justice de cet Etat et en finirent à ne plus l’aimer ?
LA FICHE S
Marc Trevidic, juge antiterroriste reconnu en France, explique bien la dérive intellectuelle de l’État Français dans sa lutte contre le terrorisme. Assignation à résidence, mise en centre de détention administrative sans motif légal, sur la simple suspicion d’un fonctionnaire de l’État. Voilà comment on crée les pires frustrations et construit les futurs véritables terroristes.
Si je suis orthodoxe, on m’accuse de communautarisme, si je me proclame modéré, alors je suis en pleine Takiya (dissimulation). Quelle posture dois-je donc adopter pour retrouver un traitement égalitaire ? Faut-il que je me travestisse pour rentrer dans le moule républicain ?
Toute une communauté vivant depuis plus de 30 ans en France se voit réduite au centre de la lutte contre le terrorisme, du séparatisme ou du communautarisme, alors que les statistiques montrent et prouvent que les actes terroristes que l’on rattache aisément à l’islam sont commis par des individus distinctement étrangers à cette frange de la communauté française jugée coupable…
Lisez la suite dans l’Ebook “Innocent coupable, itinéraire d’un enfant non désiré de la République”.
NNOCENT COUPABLE, ITINÉRAIRE D’UN ENFANT NON DÉSIRÉ DE LA RÉPUBLIQUE by Kareem El Hidjaazi on Scribd
1 commentaire
Terrible ! Cette façon de terroriser les musulmans comme on a terrorisé pendant des siècles les catholiques pour leur faire lâcher prise et devenir des incroyants le temps que le monde sombre dans le chaos et que pour redonner de l’espoir une nouvelle foi sera sortie du chapeau , en fait celle des Kabbalistes, maintenue intacte pendant des siècles et qui a attendu son heure pour réapparaitre dans toute sa gloire !