La religion musulmane ordonne aux croyants d’adopter un comportement exemplaire, d’être courtois envers les autres et de s’exprimer de la meilleure des façons. « Et dis à Mes serviteurs d’exprimer les meilleures paroles »[1]Surate al-Isrâ 53.
De plus, il est illicite pour le musulman d’injurier les polythéistes afin d’éviter qu’à leur tour, ils insultent Allah. « N’injuriez pas ceux qu’ils invoquent, en dehors d’Allah, car par agressivité, ils injurieraient Allah, dans leur ignorance. »[2]Surate al-An’âm 108
Cependant, dans certaines circonstances bien précises il est permis d’adopter une dureté dans la réponse aux non-musulmans. À l’époque du Prophète ﷺ, cela se faisait par « al-hijâ » qui est un genre de poésie satirique très connu chez les Arabes et pratiqué jusqu’à ce jour dans le monde musulman.
Pour les tribus arabes, « al-hijâ » fut l’équivalent, à plus petite échelle, des médias contemporains par lequel l’on tentait de stigmatiser et rabaisser l’ennemi. Les polythéistes arabes se servaient d’« al-hijâ » pour se moquer de la révélation divine et pour dénigrer le Messager ﷺ, un peu comme le font aujourd’hui leurs successeurs dans les médias libéraux du monde arabe. Les Compagnons, à leur tour, ripostaient par des vers sanglants dans un Jihad de poésie qui s’avérait parfois plus ravageur que la lutte armée.
En se basant sur ce contexte historique, les savants ont conclu que l’interdiction de se moquer et d’outrager les non-musulmans s’applique uniquement dans le cas où les mécréants ne commencent pas par dénigrer la religion musulmane.
Certes, l’Islam interdit la poésie si elle préoccupe le musulman de manière à ce qu’il néglige l’apprentissage des sciences religieuses, la lecture du Coran ou les invocations. Or, pour des raisons évidentes, « al-hijâ » ne tombe pas sous cette interdiction. Dans l’explication du verset « Nous ne lui (à Muhammad) avons pas enseigné la poésie; cela ne lui convient pas »[3]Surate Ya Sîn 69, Ibn Kathîr mentionne :
« Certaines formes de poésies sont permises comme celles qui comprennent de l’outrage aux polythéistes. C’est le genre de poésies que récitaient les poètes de l’Islam comme Hassân Ibn Thâbit, Ka’ab Ibn Mâlik, Abdullah Abu Rawâha et d’autres… »
En effet, les trois Compagnons Hassân Ibn Thâbit, Ka’ab Ibn Mâlik et Abdullah Abu Rawâha furent les plus grands poètes que l’Islam a jamais connus. Ils composaient des vers cadencés pour se moquer des polythéistes de façon agressive et défendaient ainsi l’honneur du Prophète ﷺ dans un Jihad poétique qui fit rage dans la péninsule arabique…
Dans la période de la révélation du Coran, la personne la plus connue pour offenser la religion musulmane par « al-hijâ » fut le juif arabe Ka’ab Ibn al-Achraf. Celui-ci possédait deux filles esclaves à qui il ordonnait d’insulter publiquement le Prophète ﷺ par des railleries. Bien évidemment, les musulmans ne se laissaient pas faire et plusieurs Compagnons déployèrent leur talent de poètes pour, à leur tour, composer des satires humiliantes envers les polythéistes de Qureysh. « Al-hijâ » devint une arme redoutable qui vexa les païens arabes plus qu’une attaque armée.
Dans son explication du verset « Et luttez avec vos biens et vos personnes dans le sentier d’Allah »[4]Surate al-Tawba 41, Ibn Taymiyya décrit admirablement comment le Prophète ﷺ ordonna aux grands poètes musulmans d’assaillir les infidèles par « al-hijâ » :
« Le Jihad par ‘la personne’ peut se faire par la langue tout comme elle peut se faire par les mains. Il se peut même que le Jihad avec la langue soit plus efficace que celui avec les mains. Dans un hadith rapporté par al-Nasâ’i et autres, le Prophète ﷺ dit : “Combattez les polythéistes avec vos mains, vos personnes et votre argent.”
Le Prophète disait a Hassân Ibn Thâbit : “Assaillis les polythéistes avec tes outrages.” Les Compagnons avaient dressé un minbar dans la mosquée pour Hassân sur lequel il défendait le Messager d’Allah avec ses poèmes et ses satires contre les polythéistes. Le Prophète invoqua en sa faveur et dit: “Ô Allah renforce-le avec le ‘Rûh al-Qudus’[5]CAD l’ange Gabriel”. Puis, il dit (à Hassân): “Jibrîl[6]CAD Gabriel sera avec toi tant que tu défendras le Messager d’Allah ”. De même, il a été rapporté que le Prophète (sallallahu a’leyhi wa sallam) dit: “Les vers (de Hassân Ibn Thâbit) sont pour eux (les polythéistes) plus vexants que les flèches de l’arc.” Depuis, beaucoup de polythéistes se sont abstenus d’offenser et d’outrager les musulmans par peur des satires de Hassân Ibn Thâbit… »
Certes, si les ennemis de l’Islam savent qu’ils se feront ridiculiser et humilier au cas où ils offensent l’honneur des musulmans, ils seront toujours plus hésitants avant de s’en prendre à eux. Sheikh al-Islam continue à expliquer à quel point « al-hijâ » pouvait blesser les détracteurs du Prophète ﷺ :
« Un jour, Ka’ab Ibn al-Ashraf se rendit à la Mecque. À chaque fois qu’il rendit visite à des gens, Hassân Ibn Thâbit le ridiculisait (de l’extérieur) avec un poème satirique jusqu’à ce que ses hôtes le sortent de la maison. Cela continuait jusqu’au point où Ka’ab ne trouva plus un seul hôte pour l’accueillir. »[7]Sheikh al-Islam Ibn Taymiyya « al-Sârim al-Maslûl » p.213
Cette parole d’Ibn Taymiyya démontre non seulement l’importance de défendre l’honneur du Prophète ﷺ, mais indique également que le Jihad par les mots, que ce soit par la langue ou la plume, peut se faire en humiliant ceux qui offensent la religion musulmane.
L’Imâm al-Hâfidh Ibn Hajr mentionne dans le commentaire du hadith où le Prophète ﷺ ordonne Hassân d’outrager les polythéistes:
« Ce hadith contient une preuve de la permission d’outrager les polythéistes en réponse à leurs outrages envers les musulmans. Ceci ne contredit nullement l’interdiction générale d’insulter les polythéistes pour éviter qu’ils dénigrent les croyants. L’interdiction s’applique dans le contexte où c’est le musulman qui commence (l’outrage), non dans le cas où il réfute les mécréants pour venir en aide aux croyants »[8]« Fath al-Bâri » Vol. 10, p. 547.
En outre, ce genre de ripostes peut être considéré comme une œuvre d’adoration. C’est ce qu’explique entre autres al-Sindi en commentant la parole du Prophète ﷺ « Ô Allah renforce-le avec le “Rûh al-Qudus” »:
« Il s’agit de Jibril et cette parole indique que les satires envers les mécréants font partie des actes les plus louables. Or, cela peut uniquement se faire en tant que réponse comme ce fut le cas ici. Sinon, il est interdit de les dénigrer, car Allah a dit “N’injuriez pas ceux qu’ils invoquent, en dehors d’Allah, car par agressivité, ils injurieraient Allah, dans leur ignorance. [6] ” » [7]
En outre, ce genre de ripostes peut être considéré comme une œuvre d’adoration. C’est ce qu’explique entre autres al-Sindi en commentant la parole du Prophète « Ô Allah renforce-le avec le “Rûh al-Qudus” »:
« Il s’agit de Jibril et cette parole indique que les satires envers les mécréants font partie des actes les plus louables. Or, cela peut uniquement se faire en tant que réponse comme ce fut le cas ici. Sinon, il est interdit de les dénigrer, car Allah a dit “N’injuriez pas ceux qu’ils invoquent, en dehors d’Allah, car par agressivité, ils injurieraient Allah, dans leur ignorance” [9]Surate al-An’âm 108. »[10]Al-Sindi, « Explication de Sahîh al-Bukhâri » Vol.4, p.141.
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Le Jihad de La Poésie – Réc… by Kareem El Hidjaazi
Références
↑1 | Surate al-Isrâ 53 |
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↑2 | Surate al-An’âm 108 |
↑3 | Surate Ya Sîn 69 |
↑4 | Surate al-Tawba 41 |
↑5 | CAD l’ange Gabriel |
↑6 | CAD Gabriel |
↑7 | Sheikh al-Islam Ibn Taymiyya « al-Sârim al-Maslûl » p.213 |
↑8 | « Fath al-Bâri » Vol. 10, p. 547. |
↑9 | Surate al-An’âm 108. |
↑10 | Al-Sindi, « Explication de Sahîh al-Bukhâri » Vol.4, p.141. |