À l’époque de l’esclavage, l’exploitation des Noirs fut un commerce rentable qui devait être géré soigneusement. Pour assurer le contrôle de la plantation, les maîtres esclavagistes formaient une poignée d’esclaves pour devenir ce que Malcolm X appelait des « Oncles Tom ». Ils reçurent une certaine autorité sur les esclaves des champs qu’ils devaient maintenir sous contrôle. Dans son « Message au Peuple », Malcolm X comparait les dirigeants des droits civiques de son temps à ce type d’esclave domestiqué :
« Tout comme le maître d’esclaves de l’ancien temps utilisait Tom — le Nègre de maison — afin de maîtriser les Nègres des champs ; le même vieux maître d’esclaves d’aujourd’hui possède des Nègres qui ne sont rien d’autre que des Oncles Tom. Ce sont des Oncles Tom du XXe siècle pour nous dominer, vous et moi, pour nous garder sous contrôle, pour nous garder passifs, pacifiques et non-violents. C’est Tom qui vous rend non-violent. Le maître d’esclaves a pris Tom et l’a bien habillé, l’a bien nourri et lui a même donné un peu d’éducation, juste un peu. Il lui a donné un long manteau et un haut chapeau et a fait en sorte que tous les autres esclaves se tournent vers lui et l’admirent. Ensuite, il a utilisé Oncle Tom pour les contrôler. Ils vous ont contrôlés, mais sans jamais vous provoquer ou stimuler. Ils vous contrôlaient, ils vous contenaient, ils vous gardaient sur les plantations. La même stratégie qui fut utilisée ces jours-là est utilisée aujourd’hui par le même homme blanc. Il prend un Nègre, un soi-disant Nègre, et en fait une personnalité importante, il le construit, il parle de lui et il fait de lui une célébrité. Au final, celui-ci devient un porte-parole pour les Nègres et un leader Nègre. »[1] Malcolm X, « Message to the Grassroots ».
La figure d’Oncle Tom dans la France du XXIe siècle est réincarnée par les imams « faits maison » d’une part et par les représentants issus des institutions musulmanes contrôlées par l’État d’autre part. Durant sa fonction de ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy exigeait que tous les imams soient formés en France. Il était prêt à leur donner un peu d’éducation, juste un peu. Enfin, juste suffisamment pour contrôler les fidèles dans les mosquées. En décembre 2004, Sarko annonça la mise à disposition d’une formation universitaire pour les « aspirants-imams ». Les cours traitaient des matières suivantes: le droit français, l’éducation civique et l’initiation aux institutions françaises. Voici donc les matières jugées nécessaires par le gouvernement français pour enseigner et propager l’islam en France.
Le contrôle rigoureux qu’exerce la République sur la communauté musulmane débuta avec la formation du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) représentant divers groupes musulmans. À nouveau, le projet fut lancé par Nicolas Sarkozy qui participa activement à l’adhésion de l’UOIF au CFCM. En avril 2003, après une recherche fructueuse du soufi le plus docile sur le territoire français, Sarkozy confia la présidence de la nouvelle coalition à Dalil Boubakeur. Le ministre de l’Intérieur trouva ainsi un moyen ingénieux d’imposer un islam hybride aux citoyens de confession musulmane. L’islamologue Bruno Étienne inventa le terme d’« islam de France » qui devint très vite une conception utilitariste permettant de mêler islam sectaire et « humanisme » séculier. Le CFCM s’érigea en association d’Oncles Tom et allait engendrer, non pas l’autodétermination des musulmans, mais plutôt la gérance de la communauté musulmane par l’État français. Selon de nombreux observateurs, le CFCM ne constitua qu’un élément dans la stratégie sarkozienne pour garder les masses musulmanes inconditionnellement fidèles à l’idéologie laïque.
N’ayant jamais possédé de connaissances islamiques, Dalil Boubakeur a souvent été comparé à une marionnette entièrement manipulée par l’État. En tant que premier président du CFCM, il déclara d’emblée que la priorité de la nouvelle structure fut « de ne pas empiéter sur la laïcité française ». Pour le nouveau Dalilama, l’acceptation des valeurs françaises constituait la nouvelle vague du futur : « Pour moi, c’est ça être un homme moderne. C’est le message que j’aimerais faire passer à mes frères et sœurs musulmans. Je veux qu’ils adoptent la culture européenne sans aucune crainte et qu’ils l’embrassent de tout cœur ».
Sarkozy avait trouvé le parfait « Blédard de Maison » qui, au nom de l’islam, appelait à la laïcité française. Dalil disait aux musulmans français tout ce que le président lui-même n’aurait même pas osé murmurer. Boubakeur ne représentait pas la communauté musulmane de France, mais devint de facto le représentant du gouvernement français devant la communauté musulmane.
En 2008, le recteur de la Mosquée de Paris céda son siège au CFCM à Mohamed Moussaoui, un professeur de mathématiques qui marchera méticuleusement dans les traces de son illustre prédécesseur. En février 2008, après avoir dirigé le CFCM durant cinq ans, Boubakeur fut récompensé pour sa loyauté indéfectible à Sarkozy qui le nomma « Commandant de l’Ordre et du Mérite National »[2]Fondé en 1963 par le Général de Gaulle, l’Ordre National du Mérite récompense des personnes qui ont rendu des services méritoires à l’État français et plus spécifiquement les beurs qui … Continue reading.
Les politologues de la République ont vigoureusement défendu cette coalition montée de toutes pièces en prétextant que « seul un islam contextualisé permet d’être pleinement musulman et citoyen en même temps ». Ils insistèrent sur le fait que « l’intégration mène inévitablement à la reformulation des impératifs religieux ». Adapter sa religion pour mieux être intégré et accepté, voici bien le marchandage humiliant auquel sont aujourd’hui confrontés les musulmans d’Europe. Plus ils délaissent leur identité islamique, plus ils bénéficieront de droits égaux, de chances et d’estime dans une société incapable de les accepter comme ils sont. Il s’agit d’un « piège à culture » dans lequel le musulman « de maison » est misérablement tombé.
Au long de son étude de l’impérialisme occidental, Malcolm X avait bien saisi que la politique coloniale d’intégrer les pays occupés au pays colonisateur n’a jamais fonctionné :
« En Algérie, au nord de l’Afrique, une révolution a eu lieu. Les Algériens étaient des révolutionnaires, ils voulaient des terres. La France a offert de les intégrer à elle. Ils ont dit à la France: “Ô la France, va au diable !” Ils voulaient une terre, pas une France. Et ils se sont engagés dans une bataille sanglante. »[3]Malcolm X, « Message to the Grassroots ».
Les musulmans traditionalistes considèrent que leur religion et leurs valeurs sont non négociables. De cette façon, ils suivent les enseignements du prophète Mohammed ﷺ, qui apprit à sa communauté qu’il n’y avait point d’obéissance à la création lorsqu’elle en vient à désobéir au Créateur. C’est pourquoi les musulmans assimilés se voient souvent reprochés d’avoir adopté ce que Malcolm X nommait la mentalité du « je vais aimer ces gens-là, peu importe à quel point ils me haïssent. ». En effet, intégration signifie assimilation. Or la coexistence est une chose complètement différente…
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Malcolm X, Discours aux Cit… by Kareem El Hidjaazi
Références
↑1 | Malcolm X, « Message to the Grassroots ». |
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↑2 | Fondé en 1963 par le Général de Gaulle, l’Ordre National du Mérite récompense des personnes qui ont rendu des services méritoires à l’État français et plus spécifiquement les beurs qui ont trahi leur communauté. |
↑3 | Malcolm X, « Message to the Grassroots ». |