Historiquement, la Palestine a toujours été une plaque tournante où cultures multiples, ethnies et religions se sont rencontrées. C’est pourquoi il est tout à fait normal de voir des Palestiniens non arabes avec des origines qui remontent à plusieurs siècles.
La Palestine compte aujourd’hui plusieurs micro-communautés peu connues auprès du grand public. Une de celles-ci est la communauté afro-palestinienne dont les membres vivent à Jérusalem, Akka, Arîha (Jéricho) et principalement à Gaza où ils sont près de 20 000 (environ 1 % de la population gazaouie).
Dans la capitale de la Palestine, une cinquantaine de familles afro-palestiniennes (près de 450 personnes) vivent dans ce que certains nomment Hay al-Afâriqa (le quartier africain) qui est collé à la mosquée al-Aqsa.
À l’instar de la minorité indienne, rome, afghane, kurde et marocaine à Jérusalem, les Afro-Palestiniens vivent en parfaite harmonie avec leurs co-citoyens et possèdent une histoire particulièrement riche…
LES PREMIERS AFRICAINS EN PALESTINE
À partir de 636, année où Omar ibn al-Khattâb reçoit les clés de la ville Jérusalem, les premières familles africaines viennent s’installer en Palestine. Il s’agissait de pèlerins qui, en revenant du Hajj, étaient tombés amoureux de la ville durant leur visite à la mosquée d’al-Aqsa.
Plus tard, au XIIe siècle, de nombreux combattants africains s’étaient joints à l’armée de Salâh Eddin al-Ayoubi pour libérer Jérusalem. À nouveau, plusieurs Mujâhidîn d’Afrique décident de s’installer en Palestine.
Durant le règne des Mamlouks en Palestine (1250-1517), les Afro-Palestiniens étaient surtout connus pour exploiter des auberges logeant les pèlerins. Une fois les Mamlouks renversés par Ottomans, les descendants des premiers arrivants africains commencent à former une vraie identité afro-palestinienne, les mariages avec la population locale se faisant plus régulier.
Pendant la révolte arabe de la Première Guerre mondiale, l’autorité ottomane à Jérusalem transforme un des complexes appartenant aux Afro-Palestiniens en prison. Après le règne ottoman, l’autorité palestinienne transformera ces complexes en Waqf. Le mufti de Jérusalem décida de louer deux de ces complexes datant du XIIIe siècle (Ribât al-Mansûri et Ribât Alâ al-Dîn) aux Palestiniens d’origine africaine à un prix symbolique. De nombreux Afro-Palestiniens reçoivent également l’honneur d’être embauchés en tant que gardiens du Haram al-Charîf [1]L’esplanade des Mosquées où se situent la mosquée al-Aqsa et le dôme du Rocher. Il s’agissait d’un signe de reconnaissance pour leur loyauté à la cause palestinienne. Beaucoup avaient volontairement joint l’armée arabe du salut durant la guerre de 1948 pour se battre contre les milices sionistes venues envahir la Palestine.
À partir de l’occupation de Jérusalem en 1967, les gardiens afro-palestiniens perdent leur emploi et subiront, comme le reste des Palestiniens, une occupation brutale. Aujourd’hui, une partie du complexe afro-palestinien a été réaménagée et transformée en mosquée par les membres de la communauté afro-palestinienne.
UNE MINORITÉ QUI SOUFFRE D’UN DOUBLE RACISME
La plupart des Afro-Palestiniens sont originaires de ce qui est aujourd’hui le Mali, le Nigeria, le Sénégal, le Tchad, le Soudan et le sud de l’Égypte. Leur contribution à la lutte contre l’occupation de la Palestine leur a donné un rang élevé au sein de la communauté palestinienne.
Une des figures afro-palestiniennes les plus connues est Fatima Barnawi, fille d’un père nigérien et d’une mère palestinienne. En 1967, elle est condamnée à 30 ans de prison par l’occupant juif qui l’accuse de terrorisme contre l’État sioniste. Elle devient ainsi la première femme parmi les prisonniers politiques en Palestine. Après 10 ans de réclusion, Barnawi est expulsée de sa terre natale et vivra en exil jusqu’aux accords de paix de 1993. À son retour, elle est accueillie par Yasser Arafat qui l’intègre au sein de la police palestinienne.
Confrontés à l’occupant sioniste, les Afro-Palestiniens sont extrêmement vulnérables et subissent un double racisme : ils sont opprimés une première fois pour être palestinien, puis parce qu’ils sont noirs. Ils sont une proie privilégiée pour les membres de la police et de l’armée d’occupation qui les appellent Koushi (ce qui signifie « Nègre ») ou encore Sambo.
Les Afro-Palestiniens tirent néanmoins une grande fierté de leur double héritage dans lequel les racines africaines et palestiniennes se croisent. Beaucoup parmi eux estiment que les luttes des Noirs partout au monde sont entremêlées avec la cause palestinienne. Pour Nelson Mandela, la liberté du peuple sud-africain était intrinsèquement liée à la liberté de la Palestine. De nombreux militants afro-américains ont également ouvertement soutenu la cause palestinienne. Malcolm X dénonçait sévèrement le sionisme et des Black Panthers se rendaient au Moyen-Orient pour soutenir la résistance alors qu’Angela Davis estimait que le peuple palestinien servait d’inspiration pour tous ceux qui combattent le racisme…
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Références
↑1 | L’esplanade des Mosquées où se situent la mosquée al-Aqsa et le dôme du Rocher |
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