Bien avant l’engouement de Bruno Étienne pour l’œuvre de l’émir Abdelkader, un grand nombre d’islamologues et orientalistes l’ont précédé dans cette manœuvre destinée à introduire la pensée maçonnique dans l’islam orthodoxe par la rationalisation du Wahdatul-wujûd. Ceux-ci, de manière très similaire, ont continuellement tenté de régulariser la doctrine de l’Unité de l’Être dans le but d’aliéner la population occidentale de l’islam. Ils ont déployé des efforts titanesques pour propager la littérature des soufis extrémistes en faisant revivre leurs personnages et leurs idées.
Louis Massignon (1883–1962) fut considéré comme un des plus grands islamologues français du XXe siècle et rédigea sa thèse de doctorat sur la vie du soufi ultra radical Mansûr al-Hallâj (857–922). En traduisant l’œuvre d’al-Hallâj, Massignon fit redécouvrir au lecteur occidental les doctrines panthéistes du soufiste perse[1]Louis Massignon fut un homme d’Église qui explora les zones de contact entre l’islam et le christianisme dans le but de faire ressortir leurs similitudes. Massignon voyait dans … Continue reading.
Les traductions de Massignon démontrent clairement qu’il soutenait la thèse du Wahdatul-wujûd prônée par al-Hallâj qui lui, allait à l’encontre des paroles divines et prophétiques de la manière la plus absolue. Dans son recueil de poèmes, la plupart des vers traitaient de ce que Louis appelait la « science de l’Unité »[2]Al-Hallâj recherchait l’union de l’âme et de Dieu comme le prouvent par exemple ces vers de poésie: « Quelle terre est vide de Toi pour qu’on s’élance à Te chercher au ciel ? Tu … Continue reading.
Victime d’une mégalomanie délirante, al-Hallâj prétendit un jour être prophète, un autre le Créateur de l’Univers. Dans la rue, il proclama publiquement être Dieu en criant à voix haute: « Je suis la Vérité (Dieu)! ». Des membres de sa famille témoignèrent qu’il ordonna à sa femme de se prosterner à ses pieds[3]Un grand nombre d’islamologues combattent le voile islamique sous prétexte qu’il s’agit d’un signe de soumission. D’autre part, ils n’ont aucun problème à faire l’éloge pompeux … Continue reading.
En tant que loisir, al-Hallâj pratiqua la sorcellerie[4]Notez que la pratique de la sorcellerie est un annulatif de l’islam. et écrit plusieurs livres à ce sujet[5]Voir Sheikh al-Islâm, « Majmû’ al-Fatâwa », Vol. 2, p. 240.. Il déclara que Satan et Pharaon étaient ses maîtres et compagnons intimes. Rien d’étonnant, car pour al-Hallâj le refus de Satan de se prosterner devant Adam ainsi que le refus de Pharaon de croire au Seigneur furent totalement justifiés du fait que Satan et Pharaon étaient eux-mêmes Dieu, mais passons.
À son époque, al-Hallâj organisait déjà le Hajj et la ‘Omra à des prix dérisoires. Après avoir construit une petite Ka’ba dans son jardin, il invita les gens à faire le pèlerinage chez lui à la maison. Ce fut sans aucun doute la formule Hajj la plus intéressante de l’histoire.
Les savants et historiens musulmans ont décrit al-Hallâj comme un « Munâfiq »[6]Le « Munâfiq » est l’hypocrite qui extériorise son appartenance à l’islam et intériorise la mécréance qui, comme un caméléon, s’adaptait à différents groupes de personnes pour gagner leur sympathie[7]Les récits de la biographie d’al-Hallâj indiquent qu’il présentait des symptômes de schizophrénie. Un jour il se déguisait en clochard-ascète pour se transformer le lendemain en bourgeois … Continue reading. En Iraq, l’influence d’al-Hallâj fut telle que ses suiveurs fondèrent une secte et le déclarèrent Dieu. Envoutés par les ruses d’al-Hallâj, ils affirmaient qu’il avait la capacité de ressusciter les morts et de contrôler les djinns[8]Voir « Forsân al-‘Ichq al-Ilâhi Abu Hossein al-Hallâj, al-Sûfi al-Tha’ir al-Ladhi Ahlakathu Chatahâtuhu »..
Lorsque la condamnation à mort d’al-Hallâj fut prononcée, il dit à ses adeptes de ne pas se fier aux apparences et qu’il allait être de retour dans trente jours. Son exécution a lieu à Bagdad le 26 mars 922, mais aucun comeback ; ses suiveurs ne l’ont plus jamais revu.
La petite minorité de soufis qui ont suivi al-Hallâj et qui vénèrent ses paroles ont toujours prétendu que celles-ci — vu leur caractère absurde et fantaisiste — avaient un sens intérieur et caché qu’eux seuls pouvaient comprendre. D’autres soutiennent que ses paroles ne doivent pas être prises en compte, car il les aurait prononcées en état d’ivresse. En Europe, les orientalistes ont donné encore une autre interprétation à son œuvre et ont fait de lui un héros mythique et révolutionnaire.
Pour Louis Massignon, al-Hallâj était l’archétype du héros musulman qui devait être défendu à tout prix. Dans son livre « La Passion de Husayn Ibn Mansûr Hallâj », Massignon dépeint al-Hallâj comme une pauvre victime et un martyr héroïque de l’islam. À se demander si Massignon n’a pas réellement cru aux vers de poésies d’al-Hallâj où il décrit ses pouvoirs surhumains en proclamant « C’est moi qui ai noyé le peuple de Noé et qui ai détruit le peuple de Âad et Thamûd ». À une époque où Superman ne faisait pas encore rêver le monde avec des acrobaties dans le ciel, on peut comprendre que Massignon fit part de sa profonde admiration pour al-Hallâj.
D’autres « spécialistes » de l’islam ont continué l’œuvre de Louis Massignon dans sa promotion du panthéisme « islamique »[9]En 1975, plusieurs islamologues (dont Louis Gardet) publient l’édition posthume du livre de Louis Massignon « La passion de Hussayn Ibn Mansûr an-Hallâj ».. En 1976, Louis Gardet (1904 -1986) publie « Mystique musulmane…» dans lequel il fait une analyse du Wahdatul-wujûd en dressant le portrait d’al-Hallâj et deux autres panthéistes, Ibn al-Fârid et Bistâmi. Il affirme, à juste titre, que le Wahdatul-wujûd peut être retrouvé dans des phénomènes similaires du bouddhisme zen. Bruno Étienne n’est pas loin.
L’admiration unanime des islamologues pour al-Hallâj démontre clairement une manipulation orchestrée dans laquelle des personnes insignifiantes sont montées sur un piédestal dans le but de déformer le message de l’islam. Les savants musulmans à l’époque d’al-Hallâj furent unanimes pour dire qu’il n’était pas musulman et il fut rejeté par la vaste majorité des soufis qui niaient qu’il fasse partie d’eux.
L’historien soufi Sheikh Abu ‘Abd al-Rahmân al-Sulami (936-1021)[10]Soufi et historien du soufisme, Abu ‘Abd al-Rahmân al-Sulami fut un des premiers biographes des soufis. L’Imam al-Dhahabi dit à son égard : « Le cheikh des soufis et auteur de leur … Continue reading dit à propos d’al-Hallâj dans son livre « Tabaqât al-Sûfiyya » : « La plupart des cheikhs (soufis) l’ont sorti de la confrérie. Nous ne connaissons personne parmi les grands savants des musulmans qui l’a mentionné en bien. »
En effet al-Hallâj n’a jamais été une référence dans le monde musulman, même pas chez les soufis. De plus, des personnages non religieux comme l’intellectuel palestinien Edward Saïd[11]Dans ses ouvrages, Edward Said a démontré comment l’Orientalisme a donné une fausse représentation du monde musulman pour justifier les ambitions coloniales et impérialistes de l’Occident. … Continue reading ont affirmé que la figure d’al-Hallâj fut non pertinente, marginale et non représentative de l’islam. Pourtant, c’est bien cette figure qui fut exploitée par les orientalistes et les islamologues européens qui ont fait de lui une star internationale et un « grand penseur de l’islam ».
En Allemagne, ce fut l’orientaliste Annemarie Schimmel (1922-2003), considérée comme spécialiste des sciences islamiques, qui défendait l’idéologie soufiste ultra radicale d’al-Hallâj[12]Avec des livres comme « Le soufisme ou les dimensions mystiques de l’islam » et « Introduction au monde du soufisme », certains musulmans ont prétendu que Schimmel se serait convertie à … Continue reading dans une biographie intitulée « al-Hallâj, le martyre de l’amour divin ». Schimmel fut précédée dans sa propagande par l’orientaliste allemand Karl Broeckelmann (1868-1956)[13]Karl Broeckelmann fut un des orientalistes les plus acharnés à vouloir prouver que le Coran fut une invention humaine. Il est accusé d’escroquerie intellectuelle et de malhonnêteté … Continue reading qui fit l’apologie du Wahdatul-wujûd et détailla le procès d’al-Hallâj dans le but de le victimiser.
Si on y pense, al-Hallâj fut un peu le précurseur de Hassan Chalghoumi, un personnage instable dans la tête et non représentatif des musulmans que les islamophobes ont largement exploité pour en faire une référence musulmane. Aussi bien al-Hallâj que Chalghoumi sont décrits par les racistes antimusulmans comme des hommes courageux victimes de l’« intégrisme islamiste ».
L’acclamation frénétique avec laquelle a été accueilli l’« islam » panthéiste dans le monde orientaliste et islamologue est un indicateur de l’hypocrisie et de la partialité perverse de cette petite élite antimusulmane qui a pour devise « transformer pour mieux régner ». Leur rôle consiste à standardiser la croyance païenne d’Ibn Arabi devant les masses françaises. Ils savent pertinemment que les savants islamiques sont unanimement d’accord pour dire que la personne qui adopte le Wahdatul-wujûd n’est plus musulmane[14]Lorsque Zayn al-Din al-‘Iraqi fut interrogé sur les paroles de Wahdatul-wujûd que portait Ibn Arabi pour justifier l’association (Shirk) du peuple de Noé, il répondit: « Celui qui prononce … Continue reading, et c’est justement pourquoi ils préconisent cette hérésie abominable.
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Vernochet, un spécialiste d… by Kareem El Hidjaazi
Références
↑1 | Louis Massignon fut un homme d’Église qui explora les zones de contact entre l’islam et le christianisme dans le but de faire ressortir leurs similitudes. Massignon voyait dans l’incarnation chrétienne (où Dieu s’est fait homme en la personne de Jésus-Christ) une ressemblance avec la croyance d’al-Hallâj qui prétendait que Dieu s’était incarné en lui (Voir Abdel Rahman al-Wakîl « Hadhihi Hiya al-Sûfiya », p. 53-54). En réalité, Massignon n’a fait que de comparer la version déformée du christianisme (c.-à-d. la doctrine de la trinité qui, par le biais de l’« apôtre » Paul, s’est infiltrée dans le christianisme) avec une version distordue de l’islam (celle de la doctrine du Wahdatul-wujûd qui s’est répandue par l’œuvre d’Ibn Arabi). Massignon, de manière très maladroite, pensait ainsi mettre en valeur les convergences des deux religions. |
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↑2 | Al-Hallâj recherchait l’union de l’âme et de Dieu comme le prouvent par exemple ces vers de poésie: « Quelle terre est vide de Toi pour qu’on s’élance à Te chercher au ciel ? Tu les vois qui Te regardent au grand jour, mais aveugles ils ne Te voient pas » |
↑3 | Un grand nombre d’islamologues combattent le voile islamique sous prétexte qu’il s’agit d’un signe de soumission. D’autre part, ils n’ont aucun problème à faire l’éloge pompeux d’hommes qui ordonnaient à leur femme de s’agenouiller devant eux. |
↑4 | Notez que la pratique de la sorcellerie est un annulatif de l’islam. |
↑5 | Voir Sheikh al-Islâm, « Majmû’ al-Fatâwa », Vol. 2, p. 240. |
↑6 | Le « Munâfiq » est l’hypocrite qui extériorise son appartenance à l’islam et intériorise la mécréance |
↑7 | Les récits de la biographie d’al-Hallâj indiquent qu’il présentait des symptômes de schizophrénie. Un jour il se déguisait en clochard-ascète pour se transformer le lendemain en bourgeois bien aisé. Avec cette double personnalité, il réussit à se rapprocher des gens de tout madhab confondu. |
↑8 | Voir « Forsân al-‘Ichq al-Ilâhi Abu Hossein al-Hallâj, al-Sûfi al-Tha’ir al-Ladhi Ahlakathu Chatahâtuhu ». |
↑9 | En 1975, plusieurs islamologues (dont Louis Gardet) publient l’édition posthume du livre de Louis Massignon « La passion de Hussayn Ibn Mansûr an-Hallâj ». |
↑10 | Soufi et historien du soufisme, Abu ‘Abd al-Rahmân al-Sulami fut un des premiers biographes des soufis. L’Imam al-Dhahabi dit à son égard : « Le cheikh des soufis et auteur de leur histoire, dictionnaires biographiques et commentaires coraniques » (Voir « Siyar ‘Alâm al-Nubala »). L’Imam al-Dâr al-Qutni le considérait comme un « waddâ », c.à.d un inventeur de hadiths. |
↑11 | Dans ses ouvrages, Edward Said a démontré comment l’Orientalisme a donné une fausse représentation du monde musulman pour justifier les ambitions coloniales et impérialistes de l’Occident. Il fut critiqué pour ses recherches courageuses par l’orientaliste néoconservateur et islamophobe Bernard Louis et fut traité de nazi par la ligue de défense juive américaine. |
↑12 | Avec des livres comme « Le soufisme ou les dimensions mystiques de l’islam » et « Introduction au monde du soufisme », certains musulmans ont prétendu que Schimmel se serait convertie à l’Islam, chose qu’elle a toujours niée. |
↑13 | Karl Broeckelmann fut un des orientalistes les plus acharnés à vouloir prouver que le Coran fut une invention humaine. Il est accusé d’escroquerie intellectuelle et de malhonnêteté scientifique et plusieurs de ses détracteurs lui reprochent d’avoir suivi aveuglement ses précurseurs orientalistes. Plusieurs réponses académiques ont été publiées en langue arabe pour démontrer la supercherie de Karl Broeckelmann, voir Abdullah Rifâ’i Mohammed Ahmed « al-Wahyi al-Qur’âni Dirâsa Taqwimiya Li Aqwâl al-Mustachriq al-Almâni Karl Broeckelmann ». |
↑14 | Lorsque Zayn al-Din al-‘Iraqi fut interrogé sur les paroles de Wahdatul-wujûd que portait Ibn Arabi pour justifier l’association (Shirk) du peuple de Noé, il répondit: « Celui qui prononce une telle parole et y croit n’est pas musulman d’après le consensus de tous les savants de l’islam », voir Burhan al-din al-Biqa’i « Masr’a al-Tasawwuf », p.64. |