Dans son discours du 11 novembre pour le centenaire de l’Armistice de 1918, Emmanuel Macron a pris un moment pour rendre hommage aux soldats venus du monde entier pour combattre. Ils étaient venus « parce que la France représentait, pour eux, tout ce qu’il y avait de beau dans le monde », avait déclaré le président :
Sur ce sol de France, le monde entier était venu combattre. Des jeunes hommes de toutes les provinces et de l’Outre-mer, des jeunes hommes venus d’Afrique, du Pacifique, des Amériques et d’Asie sont venus mourir loin de leur famille dans des villages dont ils ne connaissaient pas même le nom. [1]Emmanuel Macron, discours pour le centenaire de l’Armistice de 1918
Durant le siècle dernier, le rôle des 2,5 millions soldats musulmans qui ont participé à la guerre a complètement été ignoré. Or, une évolution positive s’est produite au cours des dernières années et l’Occident commence enfin à reconnaître un peu les énormes sacrifices des jihadistes… euh… combattants musulmans.
Ceci dit, il est important que leur contribution ne soit pas récupérée à des fins de propagande politique. Hier, le 11 novembre, c’est pourtant exactement ce qu’a fait le président Emmanuel Macron.
LES MUSULMANS AVAIENT AUSSI LEURS NAZIS
Le problème principal du discours d’Emmanuel Macron se situe dans le fait qu’il dépeint les musulmans comme de fidèles serviteurs qui, aux côtés des Alliés, avaient participé volontairement à la protection de l’Occident contre l’ennemi germanique :
Ce sont ces valeurs et ces vertus qui ont soutenu ceux que nous honorons aujourd’hui, ceux qui se sont sacrifiés dans les combats où la Nation et la démocratie les avaient engagés. Ce sont ces valeurs, ce sont ces vertus qui firent leur force parce qu’elles guidaient leur cœur. [2]Ibid
Comme si les valeurs françaises et la démocratie avaient guidé les cœurs des musulmans pour s’engager dans une guerre qui ne les regardait nullement. Cette description féerique peut facilement être démontée en analysant le contexte historique dans lequel les musulmans ont participé à la Première Guerre mondiale.
En effet, les dizaines de milliers de musulmans dans les tranchées n’étaient pas là par leur plein gré pour mourir en tant que bon patriote. Si vous voyez une photo d’un soldat musulman dans les tranchées du Front de l’Ouest, c’est parce que son ‘maître’ colonial l’y avait déployé pour mener une guerre qui n’était pas la sienne.
Les puissances coloniales (qu’on appelle aujourd’hui les Alliés) considéraient les soldats musulmans comme une marchandise parmi tant d’autres qu’ils pouvaient exploiter dans leurs guerres. À côté des combattants, le colon envoyait aussi des matières premières des colonies ainsi que d’autres biens pour gagner la guerre.
En général, les musulmans luttaient contre leur volonté pour un dirigeant colonial pour lequel ils avaient plus de mépris que l’ennemi de l’autre côté des tranchées. Il faut savoir que les musulmans avaient aussi leurs propres nazis : les colons français et britanniques…
DÉCOLONISER L’HISTOIRE
Le discours du 11 novembre tenu par Macron contient une déformation des événements qui ont eu lieu durant la Première Guerre mondiale qui est bien pire que les « fake news » qu’il dénonce sans cesse.
Les propos du président sont d’ailleurs entièrement imprégnés de l’idéologie colonialiste qui considère que la France a toujours une mission civilisatrice :
Cette vision de la France comme Nation généreuse, de la France comme projet, de la France porteuse de valeurs universelles, a été dans ces heures sombres exactement le contraire de l’égoïsme d’un peuple qui ne regarde que ses intérêts… En disant “nos intérêts d’abord et qu’importent les autres !”, on gomme ce qu’une Nation a de plus précieux, ce qui la fait vivre, ce qui la porte à être grande, ce qui est le plus important : ses valeurs morales. [3]Ibid.
En citant des valeurs universelles et morales d’une France « généreuse », Macron a reconstitué une histoire qui ne possède pas de passé colonial. Il ne reconnait en rien les crimes des siens qui influent toujours sur le présent de millions de musulmans. Comme si la souffrance que l’homme blanc a dû endurér durant une guerre de 4 années justifiait l’oubli des massacres systématiques qu’il a lui-même commis durant plusieurs siècles.
Dans son discours du 11 novembre, le président Macron a réussi à coloniser l’histoire. À nous de la décoloniser…[4]Cet article a partiellement été inspiré d’un texte de l’historien hollandais Kasim Tekin, qu’Allah le récompense.