La cruauté de la politique coloniale menée par les Britanniques au Moyen-Orient fut telle qu’ils furent qualifiés par certains historiens de « bourreaux masqués de la Palestine ». La culpabilité anglaise, pourtant évidente, est souvent oubliée devant les images d’avions de chasse qui bombardent des écoles et des hôpitaux à Gaza où se réfugient femmes et enfants palestiniens.
Pour concevoir les crimes de la Grande-Bretagne envers le peuple palestinien, on est amené à s’interroger sur la collaboration dévastatrice des Britanniques avec les sionistes. Pour cela, il est impératif de relire certains passages de l’histoire de la Palestine que l’Occident a jeté aux oubliettes.
Par ailleurs, les erreurs passées que les Palestiniens n’ont cessé de répéter durant leur lutte pour l’indépendance doivent servir de leçon pour la communauté musulmane qui, dans plusieurs sens, se trouve dans un embarras humiliant et souvent très semblable à celui du peuple palestinien.
POURQUOI LA PALESTINE ?
Au début du XXe siècle, les sionistes cherchaient à atteindre leurs visées colonialistes en bénéficiant du soutien des grandes puissances qui dirigeaient — ou qui voulaient coloniser — le Moyen-Orient : d’abord auprès de l’Empire ottoman (dont la Palestine devint une province en 1516), ensuite l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne.
Les sionistes n’obtiennent rien des Ottomans, mais exploitent pleinement le déclin de leur empire ainsi que la volonté farouche des nations occidentales de se répartir le monde arabe.
Les Anglais voulaient, coûte que coûte, coloniser la Palestine qui fut d’une importance stratégique majeure vu sa proximité du canal de Suez, la voie la plus courte vers l’Inde britannique. La Palestine représentait également une plaque tournante entre trois continents (l’Europe, l’Asie et l’Afrique), mais c’était avant tout le pays qui gérait l’arrivée du pétrole venant de l’Iraq du Nord. En effet, les raisons de la colonisation anglaise d’antan sont identiques à celles des Américains aujourd’hui, la seule différence étant que ces derniers ont astucieusement remplacé le mot « colonisation » par l’expression « lutte contre le terrorisme ».
En 1915, alors que la Palestine fut encore un pays arabe sous tutelle ottomane, les Anglais promettent un « Grand État Arabe » indépendant aux dirigeants des mouvements nationalistes arabes. Or la Grande-Bretagne ne tient pas son engagement et soutient massivement l’immigration sioniste. Dans les vingt ans de domination anglaise (de 1920 à 1939), les sionistes acquièrent plus de terres que durant les quatre décennies avant la Première Guerre mondiale[1] Lucas Catherine, « De Israël lobby ».. « Et ceux qui n’ont pas cru sont alliés les uns des autres. Si vous n’agissez pas ainsi [en rompant les liens avec les ennemis infidèles], il y aura discorde sur terre et grand désordre. » (al-Anfal 73)
Durant cette même guerre, avant le démantèlement de l’Empire ottoman, l’Angleterre et la France se permettent déjà de négocier insolemment le partage du Moyen-Orient lors des accords Sykes-Picot, signés en 1916 avec la bénédiction de la Russie impériale. Les nations colonisatrices choisissent chacune une part du grand gâteau arabe qu’elles s’apprêtent à dévorer.
UNE PROPHÉTIE ACCOMPLIE
Treize siècles avant ce partage du monde arabe, le Prophète Mohammed ﷺ avait averti les gens de sa communauté de ce qui allait un jour leur arriver :
Les nations (ennemies) d’horizons divers[2]L’ajout « d’horizon divers » ne fait pas partie du hadith rapporté par Abu Dâwud, mais d’une autre version du même hadith rapporté dans « Sahîh al-Jâm’i »(no 8183). ne tarderont pas à s’inviter chez vous comme on invite les gens à manger autour d’un diner.[3]Hadith rapporté, entre autres, par Abu Dâwud dans son « Sunan » (no 4297), Ibn Asâkir dans « Târîgh Dimachq » (2/97) et rendu authentique par Sheikh al-Albany dans « Sahîh Abi Dâwud » … Continue reading
Cette célèbre prophétie s’est accomplie plus d’une fois à l’époque contemporaine où les grandes puissances coloniales et impérialistes se sont invitées dans les pays musulmans pour y piller de nombreuses richesses, dont, entres autres, le pétrole[4]Mohammed Ibn Omar Bazmoul « Fadl ‘Ittiba al-Sunna », p.25.. En décrivant un diner organisé auquel participeront des invités venus d’horizons divers, le Prophète ﷺ prédit clairement la façon par laquelle les conquêtes modernes allaient être entreprises[5] ‘Abdel Muhsin al-Abbâd « Sharh Sunan Abi Dâwud » (no 4297)..
Lors de la préparation de la colonisation du monde arabe par les grandes puissances en 1916, la France se voit en droit de s’approprier le Liban et la Syrie — ce qui suscitera plus tard l’émergence de la dictature laïque de Hafez et Bachar al-Assad — alors que la Grande-Bretagne s’attribue l’Égypte, la Jordanie, l’Iraq, la péninsule arabique et… la Palestine.
Une fois l’invitation au festin colonial lancée, des colons issus des quatre coins du monde se mettent à envahir les terres musulmanes sans rencontrer de contestations locales. Ils accaparent les richesses dans les pays en question sans fournir de grands efforts et sans rencontrer de réelle résistance. Les colons réussissent ainsi à diviser les musulmans et leurs terres tout en bénéficiant d’une amnistie quasi générale.
La description des musulmans à cette époque donnée par le Messager ﷺ, fut d’une précision remarquable[6]Les savants ont expliqué que ce hadith ne réfère pas uniquement aux conquêtes modernes, mais à celles de toutes les époques — passées, contemporaines ou futures — dans lesquelles les … Continue reading. Ils furent comparés à des morceaux de nourriture du fait qu’ils n’offraient aucune résistance au moment de se faire dévorer[7]Mohammed Shams al-Haq al-‘Athim Abâdi Abu al-Tayyib « Awn al-Ma’bûd Sharh Sunan Abi Dâwud » 11/272.. Le monde vit des armées d’occupation se partager un diner copieux en toute tranquillité, sans vraiment être dérangées par les habitants des régions qu’elles déglutirent l’une après l’autre.
L’OCCUPATION DE JERUSALEM
En octobre 1917, les troupes britanniques assaillent l’autorité turque en Palestine et remportent une victoire décisive qui mène à la capitulation de l’Empire ottoman. Après avoir conquis Jérusalem le 9 décembre 1917, l’armée britannique s’empare des autres villes palestiniennes par petites bouchées. Ils furent assistés par les troupes coloniales d’autres nations qui rejoignent le « repas des conquérants » [8]Un peu comme les pays de l’OTAN aujourd’hui qui, de façon similaire, lancent des invitations entre eux pour envahir les pays musulmans..
La ville de Naplouse est conquise par la cavalerie australienne. Haïfa tombe le 23 septembre 1918 dans les mains des troupes indiennes et, quelques jours plus tard, les Chasseurs d’Afrique « français » envahissent la ville d’Anabta sous le commandement du général anglais Edmund Allenby.
Une fois entrés dans les villes palestiniennes, les envahisseurs y découvrent un peuple docile et soumis à leur politique coloniale, une population qui, prête à se faire dévorer, ne manifestait aucune opposition[9]Une opposition palestinienne (très médiocre) au mandat britannique aura lieu en 1918 par la fondation de l’« Union des Associations Islamo-Chrétiennes » qui, très poliment, demanda aux pays … Continue reading.
Le 11 décembre 1917, le général Edmund Allenby et ses officiers — français, italiens et anglais — pénètrent la ville de Jérusalem en traversant la Porte de Jaffa… à pied ! Allenby s’adresse ensuite aux habitants de Jérusalem :
La victoire des troupes sur les Turcs, sous mon commandement, a abouti à l’occupation de votre ville par mes forces. C’est pourquoi je décrète la loi martiale dans votre ville...[10]Source Records of the Great War, Vol. V, ed. Charles Francis Horne, National Alumni 1923.
C’est ici qu’on aurait normalement dû s’attendre à ce que la première Intifada éclate, mais il n’en sera rien. Dans son rapport officiel de la conquête de Jérusalem, Allenby fait part de l’admirable docilité du peuple conquis :
Je suis entré dans la ville (de Jérusalem) à midi le 11 décembre… La population m’a bien accueilli. [11]Ibid
Comme un touriste qui se balade sur les côtes espagnoles, le général britannique conquit la capitale de la Palestine à pied, impose la loi martiale et informe ses habitants qu’ils sont sous occupation. La population locale, elle, ne trouve rien de mieux à faire que de « bien l’accueillir ».
Naïvement, les Palestiniens attendaient l’indépendance promise par les Britanniques en 1915. Petit à petit, leurs utopies vont s’effondrer devant l’appétit insatiable des Anglais et, plus tard, des sionistes voraces qui, eux aussi, s’inviteront au grand diner…
Lisez la 2e partie ici
Références
↑1 | Lucas Catherine, « De Israël lobby ». |
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↑2 | L’ajout « d’horizon divers » ne fait pas partie du hadith rapporté par Abu Dâwud, mais d’une autre version du même hadith rapporté dans « Sahîh al-Jâm’i »(no 8183). |
↑3 | Hadith rapporté, entre autres, par Abu Dâwud dans son « Sunan » (no 4297), Ibn Asâkir dans « Târîgh Dimachq » (2/97) et rendu authentique par Sheikh al-Albany dans « Sahîh Abi Dâwud » (3/25) et « Silsilat al-Ahâdith al- Sahîha » (no 958). |
↑4 | Mohammed Ibn Omar Bazmoul « Fadl ‘Ittiba al-Sunna », p.25. |
↑5 | ‘Abdel Muhsin al-Abbâd « Sharh Sunan Abi Dâwud » (no 4297). |
↑6 | Les savants ont expliqué que ce hadith ne réfère pas uniquement aux conquêtes modernes, mais à celles de toutes les époques — passées, contemporaines ou futures — dans lesquelles les grandes puissances, ennemies à l’Islam, conquièrent les pays musulmans suite à leur faiblesse et leur abandon de la religion. Voir ‘Abdel Muhsin al-Abbâd « Sharh Sunan Abi Dâwud » (no 4297). |
↑7 | Mohammed Shams al-Haq al-‘Athim Abâdi Abu al-Tayyib « Awn al-Ma’bûd Sharh Sunan Abi Dâwud » 11/272. |
↑8 | Un peu comme les pays de l’OTAN aujourd’hui qui, de façon similaire, lancent des invitations entre eux pour envahir les pays musulmans. |
↑9 | Une opposition palestinienne (très médiocre) au mandat britannique aura lieu en 1918 par la fondation de l’« Union des Associations Islamo-Chrétiennes » qui, très poliment, demanda aux pays occidentaux de ne pas faire de leur patrie un foyer national juif. |
↑10 | Source Records of the Great War, Vol. V, ed. Charles Francis Horne, National Alumni 1923. |
↑11 | Ibid |
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