La manipulation de l’Histoire a toujours été une arme redoutable utilisée à de fins politiques par les forces occupantes du monde islamique. Napoléon Bonaparte ira même jusqu’à déclarer que l’Histoire était une suite de mensonges sur lesquels l’Homme s’est mis d’accord.
C’est en scrutant les témoignages d’historiens qui vivaient sous l’occupation des croisés ou des colons que l’on s’aperçoit de l’ampleur réelle de cette machination perfide. Les plus connus d’entre eux furent surement Usâma Ibn Munqidh (1095- 1188)[1]Auteur, chevalier et poète du Châm, Usâma Ibn Munqidh fut témoin de la première croisade. Dans son livre « Kitab al-‘Itibâr », il décrit les croisés et plusieurs de leurs abominations et Abdul-Rahman al-Jabarti (1753-1825)[2]En tant que chroniqueur des expéditions coloniales, l’historien égyptien Abdul-Rahman al-Jabarti livra un témoignage direct de l’occupation de Napoléon en Égypte dans « Târîgh Muddat … Continue reading dont les témoignages démontrent que plusieurs passages de l’Histoire ont délibérément été modifiés, occultés ou enjolivés pour imposer, maintenir et élargir l’hégémonie des puissances occidentales.
En s’appropriant l’Histoire, les Occidentaux sont devenus les détenteurs exclusifs de « la Civilisation » qu’ils n’ont cessé de monopoliser avec une prétention d’universalité qui légitimera de nombreux massacres.
SANS HISTOIRE, PEU D’ESPOIR
Victimes d’une guerre idéologique et d’une domination sécularisée, de nombreux musulmans perdirent toute notion de leur histoire après la dislocation du système éducatif à l’ère coloniale (voir « Les Origines de l’Acculturation du Monde Musulman »). Les conséquences catastrophiques se font aujourd’hui clairement ressentir dans le monde islamique où l’enseignement médiocre de l’Histoire a produit des générations sans racines, sans passé ni identité. Des générations qui, profondément humiliées, sont contraintes de se soumettre à la version occidentale de leur propre passé. Un passé qui ne prend sens qu’en fonction de la dimension que l’Occident lui a attribuée ; un passé où toute la gloire appartient aux conquérants européens et où les musulmans n’ont comme référence historique que les premiers dirigeants postcoloniaux du panarabisme. Dans les sociétés islamiques contemporaines, le bilan est calamiteux et beaucoup tentent de regagner leur dignité en se dissolvant dans la culture occidentale, espérant par-là appartenir à une Histoire dont ils ont été privés.
Pour comprendre à quel point les membres de cette communauté ont été dépouillés de leurs valeurs fondamentales et coupés de leurs racines historiques, il suffit d’observer dans le monde arabe cette jeunesse sacrifiée qui, éblouie par tout ce que l’Occident lui jette aux pieds, n’aime que ce que l’homme blanc lui dit d’aimer. Abrutie par un jeu de ballon, la nouvelle génération célèbre ainsi de nouveaux héros-dribleurs comme Maradona, Ronaldo, Zidane et Benzema qui ont remplacé Omar Ibn al-Khattâb, Khalid Ibn Walîd, Omar Ibn Abdel Azîz et Salâh al-Dîn al-Ayyûbi.
Néanmoins, tout n’est pas perdu. Les efforts fournis par les savants ont répandu une lueur d’espoir qui se propage et éclaire de plus en plus d’esprits cultivés. La situation humiliante dans laquelle sombre actuellement la Oumma conscientise un nombre croissant de musulmans aux quatre coins du monde. Plutôt que de s’enfoncer davantage dans le marais infertile de l’occidentalisation — cause primaire de la dégradation des sociétés musulmanes —, ils ont saisi le besoin fondamental de retrouver leur identité, de regagner leurs valeurs islamiques et d’étudier leur Histoire. En entamant une étude sérieuse de l’islam et ses sciences (le Tawhîd en tête), ces nouveaux citoyens lucides ont réussi à se défaire du complexe d’infériorité hérité d’un passé colonial et qui, jusque-là, représentait un obstacle pour mener une vie sereine et apaisée.
LE DILEMME DOULOUREUX
Étudier le passé est nécessaire pour comprendre le présent. Il est par conséquent important de se pencher sur les effets néfastes de la colonisation sur la culture, les mœurs et l’éducation islamiques, voire sur l’apparition de certaines croyances qui se sont infiltrées en terre d’islam par le biais de la politique assimilatrice des puissances coloniales[3]C’est le cas, entre autres, pour les Qadyanites (al-Ahmadiya) et les Coranistes dont les croyances ont été propagées par les forces coloniales..
L’érudit égyptien Mahmoud Shâkir s’interrogeait souvent sur la dégradation des pays musulmans après le retrait des colons qui, après avoir tué les savants et détruit l’enseignement islamique, laissèrent derrière eux un peuple sans repères, et porteur d’une culture pétrifiée :
Comment cela a-t-il été possible ? Et pourquoi en sommes-nous arrivés là ? C’est une longue histoire remplie d’étrangetés et d’adversités surprenantes, remplie d’événements qui font rire et pleurer, remplie de regrets et de cris de douleur, du début à la fin. Si seulement je pouvais, à l’instant présent, vous raconter cette histoire dans son intégralité, dans tous ses détails. Mais comment pourrais-je le faire à l’heure actuelle? Soyez seulement persuadés de ce que je vous présente ici : un résumé compréhensible, une allusion subtile et une œillade discrète que je vous offre par acquit de conscience, ma conscience à moi. J’espère ainsi m’acquitter de la responsabilité qui m’a été endossée et vous la confier en tant que dépôt. [4]Mahmoud Shâkir, “Risâla Fi al-Tarîq ila Thaqâfatina”
Pour sortir de la profonde humiliation dont ne cessent de se plaindre les musulmans, Mahmoud Shâkir confronte ses lecteurs à un dilemme douloureux dans la suite de son traité :
Tu as le choix entre deux options, pas plus. Ou bien tu scrutes les détails éparpillés qui ont été dissimulés dans ton Histoire en étudiant ses livres avec discernement, détermination, assiduité, attention et clairvoyance. Tu devras alors reconnaitre avec gêne l’humiliation, l’infamie et l’avilissement que nous avons subis. Ou bien tu reportes et négliges l’étude (de ton Histoire) en te soustrayant à ta responsabilité. Tu t’attireras alors plus d’humiliation, de honte et d’avilissement. Tu trouveras doux et inoffensif que ton âme se fasse tromper par les illusions séductrices issues de notre mode de vie immoral. Cette immoralité qui s’est jetée de toutes ses forces dans notre vie linguistique, culturelle, politique, sociale, comportementale et même dans le cœur de notre vie religieuse à tel point que tout ce qui peut disparaitre a failli périr. [5]Ibid.
Pour encourager ses lecteurs à persévérer dans l’étude, l’historien conclut par un précieux conseil de Hassan al-Basri:
Choisis donc la situation qui te convient. Et si tu choisis la première option, alors affronte les adversités et les difficultés sans perdre patience… Et s’il t’est apparu clairement le chemin de l’étude, mais que le doute et l’appréhension subsistent, alors contemple ce conseil de Hassan al-Basri : “Celui qui te fait peur dans le but de te mettre en sécurité est plus compatissant envers toi que celui qui cherche à te rassurer dans le but de te voir finir dans la crainte.” Qu’Allah nous vienne en aide. [6]Ibid
LE RETOUR À L’ISLAM
Dans un hadith authentique, le Messager ﷺ avait prophétisé que sa communauté allait un jour se trouver dans une situation humiliante due à l’éloignement et au délaissement des préceptes islamiques. Le hadith en question mentionne de façon explicite que la seule issue possible sera alors de revenir à la religion[7]Voir le hadith rapporté par Abu Dâwud (#3462) et authentifié par Sheikh al-Albani..
Ce retour et cette prise de conscience islamique doivent impérativement passer par un processus de purification et d’éducation (al-Tasfiya wa al-Tarbiya), non par le massacre d’innocents au nom d’un pseudo-Jihad. L’enseignement islamique et la croyance orthodoxe de l’islam sont d’ailleurs les deux éléments auxquels les colons se sont le plus férocement attaqués pour éradiquer toute résistance (intellectuelle ou militaire) et empêcher tout développement dans les sociétés musulmanes.
Plus que jamais, les musulmans sont à l’image de l’écume des flots comme ce fut prédit dans la Sounna ; ils sont nombreux, mais entièrement affaiblis par l’amour de ce bas monde. Cette faiblesse ne peut être corrigée que par un retour aux enseignements de l’islam. En étudiant leur religion et leur passée, les musulmans relèveront un jour la tête et cesseront d’être une communauté humiliée…
Références
↑1 | Auteur, chevalier et poète du Châm, Usâma Ibn Munqidh fut témoin de la première croisade. Dans son livre « Kitab al-‘Itibâr », il décrit les croisés et plusieurs de leurs abominations |
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↑2 | En tant que chroniqueur des expéditions coloniales, l’historien égyptien Abdul-Rahman al-Jabarti livra un témoignage direct de l’occupation de Napoléon en Égypte dans « Târîgh Muddat al-Faransîs Bi Misr ». |
↑3 | C’est le cas, entre autres, pour les Qadyanites (al-Ahmadiya) et les Coranistes dont les croyances ont été propagées par les forces coloniales. |
↑4 | Mahmoud Shâkir, “Risâla Fi al-Tarîq ila Thaqâfatina” |
↑5 | Ibid. |
↑6 | Ibid |
↑7 | Voir le hadith rapporté par Abu Dâwud (#3462) et authentifié par Sheikh al-Albani. |
1 commentaire
Personne n’a oublié sa culture arabe et islamique qui s’est retrouvée dans un mode de vie profondément imprégné de tous les souvenirs conscients ou inconscients dans lesquels ont baigné des générations. L’histoire a toujours fait partie de la culture arabe et les livres des historiens arabes sont là en nombre et ne demandent qu’à être lus, interprétés et enseignés. Mais ce qui a saccagé les pays arabes c’est la brutalité des atteintes occidentales qui nous ont enlevé l’outil principal pour l’étude et la dissémination des acquis de plus d’un millénaire : notre langue . Contraints de recourir à la langue du colonisateur pour nous instruire et nous cultiver nous avons été en partie aliénés de cette aliénation coloniale dont parle Frantz Fanon qui a fait que nous connaissions davantage la vie de Louis 14 que celle de Salah Eddine El Ayyoubi qui d’ailleurs nous était présenté sous le nom ridicule de Saladin et sous un mode mi-ironique mi sérieux . Malgré la malignité de nos occupants il restait ce back-ground, cette culture constituée de faits minuscules comme les fêtes, les commémorations, les paroles rituelles, les contes, les proverbes qui furent un réservoir immense dans lequel gisait l’intelligence et le bon sens de toutes les générations passées et qui conservait un prestige qui était intact . La preuve c’est que contrairement à ce que souhaitaient nos bourreaux nous n’avons jamais oublié ou révoqué ou méprisé ce passé glorieux et quand il a fallu mourir pour le retrouver nous l’avons fait et nous continuons à nous révolter contre cette main mise de l’occident sur notre pensée puisque même dans leur langue nous leur disons notre révolte.